Le projet CTA

Contexte scientifique : Le projet CTA et ses perspectives scientifiques

La génération actuelle des télescopes Cherenkov comme HESS, MAGIC et VERITAS a ouvert depuis 2004 le nouveau domaine de l’astronomie gamma au sol dans le domaine d’énergie au-dessus de quelques dizaines de GeV. Environ 150 sources émettrices dans le domaine du TeV sont maintenant confirmées illustrant la richesse du cosmos vu aux très hautes énergies.

Le projet CTA, "Cherenkov Telescope Array", permettra d’explorer réellement notre univers en rayons gamma de très hautes énergies en élargissant les échantillons et en approfondissant l’étude des sources et des processus non-thermiques en jeu. Cette exploration sera d’autant plus fructueuse qu’elle se fera en coopération étroite avec les autres grands projets de la discipline
Les principales expériences actuelles en astronomie gamma au sol :

  • HESS en Namibie
  • MAGIC aux Iles Canaries
  • VERITAS aux Etats-Unis

Les premières cartographies en rayons gamma obtenues par HESS ont montré le plan de notre Galaxie parsemé d’accélérateurs cosmiques, de morphologies complexes et résolues. Il est clair maintenant que leur spectre en énergie s’étend bien au-delà de plusieurs dizaines de TeV, et que certaines de ces sources émettent l’essentiel de leur énergie (parfois la totalité !) dans le domaine du TeV. La figure ci dessous présente la cartographie multi-lambda du plan galactique.

L’émission diffuse cartographiée au TeV autour du centre galactique apparaît corrélée avec celle d’un traceur moléculaire. Des systèmes stellaires binaires et des amas stellaires jeunes ont été détectés au TeV, ainsi qu’un échantillon de sources encore totalement inconnues aux autres longueurs d’onde. Des sources extragalactiques ont été détectées jusqu’à des redshifts au-delà de z=0.2, remettant ainsi en cause certains modèles de fond diffus extragalactique et de formation et évolution des étoiles et des galaxies. Preuve a été faite de la forte variabilité des blazars jusqu’à des échelles temporelles aussi rapides que quelques minutes, correspondant à une zone d’émission de quelques rayons de Schwarzschild de leur trou noir central. L’étude des rayons gamma au TeV de sources variables à grand redshift offre de plus la possibilité de tester des effets de la gravitation quantique.

Objectifs : L’observatoire CTA

Quoique les résultats de cette nouvelle astronomie gamma soient impressionnants, ils ne donnent qu’un aperçu de notre cosmos aux très hautes énergies, avec un échantillon encore limité. Une compréhension détaillée de la physique des accélérateurs cosmiques de particules, et leurs applications à la connaissance de notre univers et de son histoire, nécessite de meilleurs taux de détection. une plus grande couverture spectrale, et une amélioration des performances en résolution spatiale, spectrale et temporelle.

Ce sont les objectifs du projet CTA de la liste ESFRI, dont la phase préparatoire conduite avec le soutien de l’Europe va se terminer en 2014. L’observatoire CTA consistera en un réseau de télescopes Cherenkov de différentes tailles, observant les brefs et faibles éclats de lumière Cherenkov émis par les gerbes de particules secondaires provoquées par l’entrée de photons gamma de très haute énergie dans la haute atmosphère. CTA augmentera la sensibilité des détecteurs actuels d’un ordre de grandeur, améliorera les capacités en résolution angulaire et étendra le domaine spectral d’environ 20 GeV jusqu’au-delà de 100 TeV (Fig.2). Deux sites sont prévus pour garantir l’accès à l’ensemble du ciel. Le site de l’hémisphère austral aura seul accès à la multitude de sources dans les régions centrales de notre Galaxie et à toute la richesse de leur morphologie. Le site de l’hémisphère nord, se consacrera davantage à l’étude des NAG (Noyaux Actifs de Galaxies), de l’espace extragalactique et des aspects cosmologiques. CTA devrait conduire à de nouvelles percées dans plusieurs domaines de l’astronomie tels que l’environnement des objets compacts, la physique des trous noirs, des pulsars, des supernovae, les vents stellaires, les rayons cosmiques et le milieu interstellaire, les systèmes binaires et les amas stellaires, l’évolution des galaxies ... Il offre une des rares possibilités d’obtenir une détection indirecte de la matière noire, avec des signatures spectrales selon sa nature, voire sur des objets exotiques reliques du Big Bang.
La figure ci-dessous est l’exemple de courbes de sensibilité attendues selon domaine d’énergie pour une configuration de réseau CTA avec des télescopes de grande taille (LST, 23 m), de taille intermédiaire (MST, 12 m) et de petite taille (SST, 4 m). D’après Bernlohr et al, Astroparticle Physics, volume 43, CTA special issue, 2013.

Le projet CTA assure un retour scientifique garanti en Astrophysique ainsi qu’un fort potentiel de découvertes en Cosmologie, Physique fondamentale et Physique des Particules. Il a des implications directes en physique des plasmas et physique nucléaire, et des liens avec les géosciences (physique de l’atmosphère, monitoring des aérosols, étude des sites), les simulations numériques et le traitement statistique.

Les télescopes Cherenkov observent les photons gamma de manière indirecte, par la détection des éclairs ténus de lumière Cherenkov émis par les gerbes de particules induites par l’interaction des photons gamma de très haute énergie avec l’atmosphère terrestre. Le fonctionnement en réseau permet de mieux caractériser les gerbes grâce à une vision stéréoscopique (se traduisant par une meilleure détermination du bruit hadronique et de la direction et de l’énergie des photons incidents) et fournit une grande surface de détection améliorant la statistique. Deux ou trois types d’antennes sont prévus pour CTA : typiquement un noyau de quelques grands télescopes (23 m) pour la détection des gerbes de basses énergies, un réseau de télescopes de taille intermédiaire (12 m) optimisant la sensibilité autour des énergies du TeV, et des télescopes de plus petite taille (4 m) distribués sur une superficie de quelques km² pour les observations aux plus hautes énergies. L’image virtuelle ci-dessous illustre le futur réseau CTA.