Première lumière Cherenkov à Meudon

Dernier ajout : 14 décembre 2015.

Le 26 novembre dernier, le « Gamma-ray Cherenkov Telescope » (GCT), un prototype de télescope proposé pour le futur grand réseau CTA, a capté sa première lumière Cherenkov dès le début de ses essais d’observation de gerbes atmosphériques sur le ciel de nuit à Meudon. Ce sont les toutes premières images de gerbes atmosphériques à être obtenues par un prototype de CTA. C’est aussi la première fois qu’un télescope de type Schwarzschild-Couder à deux miroirs, un concept prometteur pour l’astronomie gamma au sol, réussit à enregistrer de tels événements cosmiques. L’annonce de ces résultats a été faite à l’Observatoire de Paris, en présence de représentants de l’Observatoire, du CNRS, du « Science and Technology Facilities Council » (STFC, Royaume-Uni), de la Région Ile-de-France, et des consortia CTA et GCT, lors de la cérémonie d’inauguration du prototype GCT sur le site meudonnais de l’Observatoire de Paris, le 1er décembre 2015 (voir figure 1).

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Figure 1 : Inauguration du prototype de GCT à Meudon le 1er décembre 2015 (photo : J.-M. Martin).

Le 26 novembre 2015, le prototype de télescope « Gamma-ray Cherenkov Telescope » (GCT), proposé pour le domaine « très hautes énergies » de CTA, a réussi sa première lumière Cherenkov, se retrouvant ainsi le tout premier prototype de CTA à capter des images de gerbes atmosphériques sur le ciel (figure 2). Les GCT sont conçus pour détecter les rayons gamma de très haute énergie au sein du futur plus grand observatoire mondial en rayons gamma, le CTA, « Cherenkov Telescope Array » (voir à ce sujet le communiqué de presse https://www.obspm.fr/inauguration-a-l-observatoire.html).

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Figure 2 : Le télescope Cherenkov de Meudon, de concept Schwarzschild-Couder à deux miroirs. Le miroir primaire apparait ici segmenté en six pétales (photo : J.-P. Amans).

Dans les deux semaines qui ont précédé l’inauguration du GCT le 1er décembre 2015 à l’Observatoire de Paris, l’équipe internationale impliquée a assuré la réception et l’installation de la caméra sur le télescope (figure 3), et la mise en service de l’instrument sur le campus de Meudon. Après divers tests effectués de jour et de nuit, le télescope a pu être pointé dans la soirée du 26 novembre vers une zone relativement sombre du ciel nocturne, malgré la présence de la pleine lune et des lumières de la ville de Paris à l’horizon nord-est du site meudonnais de l’Observatoire. Après une vingtaine de secondes de prise de données, un événement cosmique a déclenché la caméra, puis un autre. En un peu plus de 300 secondes, douze événements ont ainsi été enregistrés. Ces déclenchements auraient pu avoir été induits par des fluctuations du ciel nocturne assez brillant, mais il s’est immédiatement avéré qu’ils correspondaient bien à ce que l’équipe visait à détecter, des images de gerbes atmosphériques fugaces générées par l’arrivée de rayons cosmiques dans la haute atmosphère.

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Figure 3 : Sous l’abri, la caméra installée sur le télescope et protégée de son couvercle se reflète dans le miroir secondaire (photo : J. Gironnet).

L’image de la figure 4 est le premier événement détecté à Meudon ce soir-là. Elle montre la quantité maximale de lumière capturée dans chacun des 2048 pixels de la caméra sur une centaine de clichés. L’animation illustre l’évolution temporelle du phénomène sur quelques milliardièmes de seconde. Les astronomes de CTA utiliseront de telles images pour déterminer la direction incidente et l’énergie de la particule cosmique qui a créé la gerbe atmosphérique, observée grâce à son rayonnement Cherenkov.

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Figure 4 : Image en fausses couleurs de la première gerbe atmosphérique détectée, et animation montrant son évolution temporelle sur quelques milliardièmes de seconde. Cliquer dessus pour un agrandissement (@CTA).

Pour détecter les faibles et fugaces éclats de lumière produits par les gerbes atmosphériques créées par les rayons cosmiques et les rayons gamma lorsqu’ils pénètrent dans l’atmosphère terrestre, la caméra du télescope doit être environ un million de fois plus rapide qu’un appareil photographique reflex numérique (de type DSLR). Pour cela, elle utilise une numérisation à grande vitesse et une technologie de déclenchement capable d’enregistrer des images à un taux d’un milliard de clichés par seconde et assez sensible pour résoudre les photons individuellement.

Ces résultats, obtenus dès les premiers instants d’observation de l’instrument et dans des conditions météo et environnementales loin d’être optimales, s’annoncent très prometteurs pour les choix technologiques qui ont présidé à la conception du GCT, tant du point de vue de la caméra que du télescope. C’est la toute première fois en astronomie qu’un télescope à deux miroirs de type Schwarzschild-Couder, récemment reconnu comme très adapté aux besoins de l’astronomie gamma au sol, parvient à enregistrer la lumière Cherenkov de gerbes atmosphériques (figure 5).

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Figure 5 : Le télescope et l’équipe de nuit sur le site de l’observatoire à Meudon une heure avant les premières observations (photo : H. Sol).

Ces avancées, qui ont été annoncées le 1er décembre à l’Observatoire de Paris lors de l’inauguration, représentent une étape majeure pour les projets GCT et CTA.

Les premières images obtenues cet automne ne sont cependant que le début pour GCT. Le prototype actuel de télescope et de caméra va être testé de façon très rigoureuse et approfondie dans les mois à venir. Les concepts et procédés de fabrication doivent être validés et optimisés avant de lancer une pré-production de premiers de série. Sur la base de tout ce travail préparatoire, l’équipe internationale vise à construire au total 35 télescopes et caméras pour le site austral du futur observatoire CTA qui doit être implanté au Chili dans les prochaines années.

CTA est une initiative mondiale visant à construire l’observatoire le plus grand et le plus sensible en rayons gamma de très haute énergie. Plus de mille chercheurs et ingénieurs provenant de 32 pays et de plus de 170 instituts participent à ce projet. CTA sera un observatoire ouvert à une vaste communauté de physiciens et d’astrophysiciens, et permettra une étude approfondie de l’univers énergétique, non-thermique, et turbulent. Doté de plus d’une centaine de télescopes, l’observatoire CTA détectera le rayonnement cosmique de très haute énergie avec une précision inégalée et une sensibilité environ dix fois meilleure que les instruments actuels, offrant une vision nouvelle des phénomènes les plus extrêmes et les plus violents de l’univers (pour en savoir plus : http://www.cta-observatory.org/).

Au moins trois types de télescopes sont nécessaires pour couvrir l’ensemble du domaine spectral de CTA. Quatre grands télescopes (LSTs) seront indispensables pour étendre le domaine en énergie en-dessous de 100 GeV (Giga-électronvolt), et la sensibilité entre 100 GeV et 10 TeV (Téra-électronvolt) sera dominée par une quarantaine de télescopes de taille intermédiaire (MSTs) répartis sur les deux sites de CTA, dans l’hémisphère nord et dans l’hémisphère sud. Près de 70 petits télescopes (SSTs) sont requis sur le site austral pour garantir que CTA soit suffisamment sensible dans la partie haute du domaine d’énergie exploré, au-delà de quelques TeV et jusqu’ à 300 TeV. Le GCT est un de ces SSTs qui s’ajoute à l’effectif actuel de prototypes élaborés pour CTA dans le monde, avec le SST-1M (Cracovie, Pologne), le SST-2M « ASTRI » (Serra la Nave, Italie), le MST (Zeuthen, Allemagne) et le LST (La Palma, Espagne). Le consortium GCT regroupe une collaboration internationale d’instituts et d’universités d’Allemagne, Australie, France, Japon, Pays-Bas et Royaume-Uni.

En France, l’Observatoire de Paris et le CNRS-INSU ont apporté une contribution majeure au projet GCT en assurant la conception, la supervision de la fabrication dans l’industrie, et l’intégration de l’ensemble de la structure mécanique du télescope, de son contrôle-commande, et de ses miroirs sur le site meudonnais de l’Observatoire. Le CPPM de Marseille (CNRS-IN2P3) assure la responsabilité des simulations de l’instrument, et une équipe de l’IRFU du CEA a contribué aux travaux sur les miroirs et a assuré en particulier des tests des segments de miroirs primaire et secondaire. La caméra a quant à elle était construite en parallèle par les collaborateurs internationaux impliqués dans GCT.

A l’Observatoire de Paris, ce résultat est dû au travail des laboratoires LUTH et GEPI, UMR du CNRS, avec la contribution de l’atelier de mécanique et le soutien des services communs de l’Observatoire de Paris (DIL et SIO), et à la division technique de l’INSU (DT-INSU). Ce sont au total plus d’une trentaine de personnes de l’Observatoire de Paris et du CNRS-INSU qui ont contribué à la réussite de ce projet, dont en particulier Jean-Philippe Amans, Fatima De Frondat, Jean-Laurent Dournaux, Delphine Dumas, Gilles Fasola, Johann Gironnet, Jean-Michel Huet, Philippe Laporte, Hélène Sol, et Andreas Zech. L’ensemble des travaux réalisés en France a bénéficié de plusieurs soutiens, en particulier du CNRS-INSU, de la Région Ile-de-France, et de l’Observatoire de Paris qui ont assuré l’essentiel du financement.

Le communiqué de presse émis par CTA à l’occasion de cet événement est disponible ici :

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Un aperçu de la construction, de l’installation et de la première opération du prototype de GCT à Meudon est disponible ici :

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Contacts chercheurs :

Hélène Sol, Directrice de Recherche CNRS à l’Observatoire de Paris (+33 (0)1 4507 7428 helene.sol@obspm.fr)

Philippe Laporte, Ingénieur de recherche CNRS, responsable du bureau d’études de l’Observatoire de Paris (+ 33 (0)1 4507 7640 philippe.laporte@obspm.fr)

Tim Greenshaw, Professeur, University of Liverpool (+44 (0)151 794 3383 green@liverpool.ac.uk)

Richard White, MPI für Kernphysik, Heidelberg, coordinateur pour la caméra (+49 6221 516 141 richard.white@mpi-hd.mpg.de)

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